La résine dammar #2 : Histoire des résines
Faisant suite à mon article précédent, La résine dammar #1, voici le deuxième volet de cette série d'articles consacrée à ce constituant incontournable de la peinture à l'encaustique. Voilà plus d'une année écoulée depuis la publication de la première partie, il est grand temps de vous livrer la suite de mes recherches pour finir l'année 2018 en beauté sur ce blog !
On
ne peut pas parler de l’histoire de la résine dammar sans parler de l’histoire
des résines en général. La présence des résines associées à la cire est
inextricablement liée à l’histoire de la peinture elle-même.
Depuis
l’Egypte romaine d’où sont issus les portraits du Fayoum l’encaustique
utilisée se composait déjà d’un mélange de cire d’abeille, de pigments
d’origine naturelle et de résines.
Bien avant, dans l’Egypte antique, les résines étaient employées également dans des préparations que nous qualifieront aujourd’hui de pharmaceutiques associées à des rituels religieux. Certains textes font état d’utilisation de résines parfumées comme l’encens ou de gomme préparée avec de la résine d’accacia. Dans l’Antiquité la frontière est parfois mince entre les différentes disciplines que ce soit dans le domaine médical ou dans un contexte magico-religieux . Le médecin-prêtre se référait à des textes médicaux où la récitation de formules rituelles était associée à la préparation de substances dans un but thérapeutique et religieux. (pour plus d’informations consulter cet article)
Bien avant, dans l’Egypte antique, les résines étaient employées également dans des préparations que nous qualifieront aujourd’hui de pharmaceutiques associées à des rituels religieux. Certains textes font état d’utilisation de résines parfumées comme l’encens ou de gomme préparée avec de la résine d’accacia. Dans l’Antiquité la frontière est parfois mince entre les différentes disciplines que ce soit dans le domaine médical ou dans un contexte magico-religieux . Le médecin-prêtre se référait à des textes médicaux où la récitation de formules rituelles était associée à la préparation de substances dans un but thérapeutique et religieux. (pour plus d’informations consulter cet article)
Au 18ème
siècle, en 1755, dans son Mémoire
sur la peinture à l’encaustique et sur la peinture à la cire, le comte M. de Caylus (1692-1765) présente une série
d’expériences dont une est consacrée à l’utilisation de résines dont la
colophane qui est une résine de pin. Il constate alors que cela rend la cire
plus cassante. Il emploie également d’autres résines comme la gomme copal, le
mastic ou l’ambre sous forme de vernis. Il détaille tout un ensemble de
procédés et de matériaux utilisés pour ses expériences dont les bois de cèdre,
de chêne ou encore le sapin et le poirier. Ce mémoire détaille avantageusement
tout un ensemble d’expériences liées à l’utilisation de la cire dans la
peinture et ne présente qu’un intérêt sur le plan historique car les méthodes
présentées sont fort éloignées de celles que nous connaissons aujourd’hui (il
détaille par exemple une méthode de peinture à l’eau sur la cire…). Outre le
plaisir de lire une œuvre en vieux français, la lecture de l’ouvrage nous permet d’assister au processus expérimental développé par le comte M. de Caylus assisté de M. Majault.
Pour la réalisation de cet
imposant travail il s’est inspiré des travaux du célèbre anatomiste et
céroplaste Gaetano Giulio Zumbo
(1656 ?-1701)(voir La tête anatomique à la fin de mon article sur les cires) et constate que
« si Zumbo avoit été plus communicatif, il y a cinquante ans que la
peinture à la cire seroit connue de toute l’Europe ».
Au 19ème
siècle, en 1829, Jacques Nicolas Paillot
De Montabert (1771-1849) publie un imposant Traité complet de la peinture en neuf volumes. Au sein de ce vaste
travail encyclopédique on trouve le volume 8 dont le chapitre 568 contient 150
pages consacrées à la peinture encaustique. Dans ce chapitre le terme pharmaca déjà présent chez Caylus et dans les textes des auteurs
grecs désigne les résines, ou bitumes ainsi que le mélange
cire-résine. Il souligne l’importance d’ajouter de la résine pour augmenter les
qualités optiques de la peinture à la cire. De son côté il expérimente
différentes résines dont la sandaraque, le mastic, l’encens blanc (ou oliban)
ou la résine-animé. Il présente également le copal et la résine élémi. Voilà ce
que j’ai pu extraire de ce chapitre à propos des résines.
Il y a bien sûr de nombreux autres éléments à exploiter.
Note à
propos du terme « encaustique » :
Paillot
de Montabert précise au début de son ouvrage d’où vient le mot
« encaustique » :
Tout
d’abord le mot « caustique » est associé au cautérium,
outil utilisé par les anciens pour « fixer les matières de la
peinture » (voir les photos dans mon article Notes sur l'histoire et la technique de l'encaustique) qui induit
une action de chauffer.
Enfin le
terme « encaustique » utilisé pour appliquer sur les meubles et les
parquets pour protéger le bois, qui existait déjà au temps de Montabert et que
nous connaissons encore aujourd’hui, est un
terme impropre. Montabert précise : « Or, comme l’action du feu
n’entre pour rien dans l’opération relative à l’emploi de ces matières (il
parle de la cire et de ses adjuvants utilisés pour appliquer sur les parquets),
le mot encaustique ne lui convient pas
du tout » (p. 527)
De nos
jours le terme encaustique des ébénistes ne fait pas référence à de la cire
d’abeille fondue par la chaleur mais à de la cire dissoute dans l’essence de
térébenthine. Tout comme le terme « plombage », appellation vulgaire de
l’amalgame dentaire qui ne contient pas un seul gramme de plomb…
Ces
termes sont donc encore utilisés dans le langage commun mais ne correspondent
pas à la réalité de leur pratique par les professionnels.
Pour Paillot
de Montabert on peut ainsi appeler encaustique une « peinture
chauffée ou fixée à l’aide du feu après les applications successives des
couleurs ».
Enfin à
la fin du 19ème, en 1884, Henry CROS et Charles HENRY dans leur ouvrage L’encaustique et les autres
procédés de peinture chez les anciens basent
leurs recherches sur l’étude de textes grecs et latins dont l’Histoire Naturelle de Pline. Ils observent ainsi « qu’on ne se
servait pas seulement de cire pour porter les couleurs. Le mot cera a dû
signifier bien souvent un mélange où la cire jouait seulement un rôle
prépondérant. ». Il ressort de l’étude de ces textes que les peintres
grecs peignant à l’encaustique utilisaient un mélange fait de cire et de
résines, appelées aussi goudrons ou bitume, pour travailler leurs couleurs. Les
auteurs parlent de « bâtons de cires-résines colorées ».
Ce
mélange de cires et de résines appelé zopissa ou apochyme selon Dioscoride
était présent sur la proue des vaisseaux. Ce mélange était dissous par le sel
marin, ce que constate Pline lui-même. Pline constate également la dissolution
des résines dans l’huile.
Bien sûr
dans ces différents ouvrages la composition en cire, résines et autres
composants ainsi que la définition de peinture à l’encaustique est soumise à de
nombreuses variations suivant les auteurs.
Au cours du 19ème
siècle avec l’apparition de la peinture à l’huile en tube, utilisée par Van
Gogh puis les peintres impressionnistes, les fabricants auront recours à divers
additifs comme les cires (cire d’abeille, de Myrte ou de
paraffine), les résines (résine de copal entre autres) associés parfois avec de
l’œuf, de l’amidon ou de la silice. Ces différents médiums permettaient de
compenser la fluidité de l’huile en donnant une consistance plus ferme à la
peinture. Ces différences de compositions d’une peinture à l’autre ont eu bien
sûr des répercutions sur la conservation des œuvres de ces artistes dans le
temps.
Les résines sont aussi largement utilisées dans la composition des vernis
destinés à protéger les peintures à l’huile. Elle sont alors diluées dans
l’essence de térébenthine.
Ainsi
les différentes résines utilisées dans l’histoire de l’encaustique et que l’on
va retrouver comme adjuvants dans la composition de la peinture à l’huile, mais
aussi dans la composition des vernis suivant les époques,
sont principalement: l’élémi, le mastic, le copal ou la colophane qui est
une résine de pin et enfin, sujet de ma série d’articles, la résine dammar. Cette dernière est
importée et présente dans la peinture en Europe et aux Etats-Unis depuis le 19ème siècle.
Ainsi s'achève cette deuxième partie consacrée à la résine dammar et plus précisément à l'histoire des résines dans la peinture. La troisième et dernière partie concernant la mise en oeuvre de la résine dammar dans la peinture encaustique verra le jour en 2019 !
Merci pour votre lecture et meilleurs voeux à tous pour 2019 !
Bibliographie
Comte de CAYLUS : Mémoire sur la peinture à l’encaustique et sur la peinture à la cire, Paris, 1755
CROS Henry, HENRY Charles : L’encaustique et les autres procédés de peinture chez les anciens, histoire et technique, Paris, 1884
CROS Henry, HENRY Charles : L’encaustique et les autres procédés de peinture chez les anciens, histoire et technique, Paris, 1884
PAILLOT
de MONTABERT Jacques-Nicolas : De
la peinture encaustique dans Traité complet de la peinture,
Paris, 1829
SALVANT,
Johanna : Caractérisation
des propriétés physico-chimiques des matériaux de peinture employés par Van
Gogh : les peinture blanches, Thèse de doctorat en Chimie, Université
Pierre et Marie Curie, Paris, 2012 (archives ouvertes)