La résine dammar #3 : propriétés et mise en oeuvre .
Ce blog a déjà 5 ans !
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Ce blog fête aujourd'hui ses 5 années d'existence dans des conditions tout à fait particulières : alors que nous devons rester chez nous depuis plusieurs semaines pour combattre le coronavirus, voici le troisième et dernier volet d’une série d’articles commencée en 2017 et consacrés à la résine dammar.
Ce sera l'occasion de vous plonger dans les différents articles de ce blog pour découvrir l'encaustique ou compléter vos connaissances sur ce médium !
Le premier volet La résine dammar #1 introduisait la résine dammar en explorant ses aspects généraux (terminologie et origine géographique). Puis en 2018 le second article La résine dammar #2 développait de façon plus vaste l’histoire des résines dans la peinture tout en précisant de quelle manière se faisait l’apport de telles résines à propos du sujet qui nous préoccupe ici : l'encaustique. Cet article se basait sur les travaux historiques du comte de Caylus, de Paillot De Montabert et de Henry CROS et Charles HENRY.
Le troisième et dernier article (déjà promis pour 2019) voit ici enfin
le jour ! Je n’ai guère de goût pour la précipitation mais il faut bien
que chaque chose arrive à son terme à un moment ou à un autre !
Propriétés mécaniques et physiques
Les propriétés mécaniques et
physiques de la résine dammar vont lui permettre d’entrer dans la composition
de la peinture à l’encaustique pour deux raisons : d’une part cette résine
associée à la cire va durcir l’état de surface de la peinture et d’autre part
ses propriétés optiques vont donner de la brillance aux couleurs. Ces
propriétés étaient déjà connues aux 18ème et 19ème siècles du temps de Caylus ou de Paillot De Montabert dont j’ai pu détailler les
expériences dans mon précédent article.
Dans son livre de 2001, The Art of Encaustic Painting, Joanne
Mattera précise que plus on ajoute de résine dammar au mélange cire-résine plus
la surface sera dure (p.95)
Mise en œuvre
Au départ la résine dammar se présente sous forme de blocs de différents diamètres qu’il est
préférable de casser pour faciliter l’incorporation à la cire en train de
fondre. Joanne Mattera conseille de placer les blocs de résine dans un
sac en plastique puis de casser les blocs avec un marteau pour réduire la
résine en petits morceaux puis en fines particules.
Placer les blocs de résine dans un sac plastique...
...puis les réduire en morceaux avec un marteau.
Ensuite faîtes fondre la
cire puis incorporez progressivement les particules de résine dammar.
Concernant les proportions de la résine dammar par rapport à la cire celles ci
sont habituellement de l’ordre de 1/8 : une portion de résine dammar pour
huit de cire. Ces proportions peuvent bien sûr varier. Joanne Mattera indique
qu’on peut augmenter les proportions dans une limite de ¼, une mesure de dammar
pour quatre de cire. Plus on ajoute de la résine et plus le médium cire-résine
obtenu sera cassant.
Dans son livre Peindre à l’encaustique paru en 2016
Sophie Van Moffaert conseille également une proportion de 1/8 pouvant aller jusqu'à 1/5. A vous de tester !
La cire et la résine dammar
n’ont pas la même température de fusion : 65°C/150°F pour la cire et
107°C/225°F pour la résine dammar. Plus les particules de résine
seront fines plus elle vont fondre facilement dans la cire. Il faudra contrôler
au départ la température du mélange pour que la résine fonde : supérieure
à 107°C au départ puis on pourra baisser la température du mélange ensuite vers
74-104 °C.
Voici ce que cela donne
lorsque la résine n’est pas assez fondue : elle forme une masse collante
au fond de la casserole. Il faut donc dans ce cas augmenter légèrement la
température du mélange.
La température de fusion n'est pas suffisante : la résine dammar forme
une masse collante au fond de la casserole.
Lorsqu’on débute dans la
préparation de son encaustique il faut vérifier la température avec un
thermomètre de cuisine adapté. L’erreur consiste à trop chauffer son
mélange : il en résulte des fumées toxiques qui se dégagent et peuvent
occasionner des maux de tête dans un local mal ventilé. Il est important de
travailler dans un atelier bien ventilé (fenêtre ouverte ou au mieux une hotte
aspirante) et de s'hydrater régulièrement.
Précision importante :
Attention à ne pas confondre
vernis dammar et résine, ou gomme, dammar. Le vernis dammar est une dissolution
de résine dammar dans de l’essence de térébenthine : c’est donc un produit
inflammable et qui dégage des vapeurs toxiques lorsqu’il est chauffé. Donc à ne
surtout pas utiliser avec l’encaustique ou nous travaillons avec une source de
chaleur !
Attention également aux
risques de brûlure de la peau lorsque vous réalisez votre mélange résine-cire
ou même lorsque vous peignez à l’encaustique.
Puis lorsque la résine et la
cire sont bien incorporées on verse le mélange dans un récipient adapté. Pour
ma part j’utilise des barquettes en aluminium. La résine dammar présente
généralement des résidus plus sombres qui se déposent au fond de la casserole.
Lorsqu’on verse lentement le mélange dans les barquettes en aluminium les
résidus restent au fond de la casserole et on peut les éliminer facilement
ensuite avec un chiffon.
On peut laisser refroidir le
mélange que l’on utilisera ensuite dans la fabrication de sa peinture à
l’encaustique en y ajoutant les pigments ou profiter du mélange encore chaud
pour fabriquer tout de suite la couleur voulue.
Tentative de conclusion concernant ces trois articles.....
La résine dammar utilisée
aujourd’hui dans la peinture à l’encaustique résulte d’un héritage lié à
l’utilisation ancestrale des résines, depuis les pratiques médicales et
rituelles de l’Egypte antique puis l’encaustique des grecs et des portraits du Fayoum en passant par l’histoire de la peinture et la composition des peintures
à l’huile et des vernis. La formule que nous connaissons cire-résine dammar-pigments
n’est pas une simple recette, elle est la résultante d’une longue série
d’expériences et d’histoires humaines tout au long de l’Histoire de l’Art.
Bien sûr même si comme
Joanne Mattera le rappelle dans son livre « encaustic paint is no more
difficult to make than hot cocoa » (p.102) il faut souligner que les
choses les plus simples sont la résultante d’un long apprentissage et d’une
longue histoire liées à un nombre indéfinissable d’expériences humaines ou comme
le disait Thomas Edison : « En essayant continuellement, on finit
toujours par réussir. Donc plus on échoue, plus on est proche de la
réussite ».
Ainsi cette
« simple » recette d’élaboration de l’encaustique est attachée à une
longue histoire depuis l’Egypte romaine jusqu’à aujourd’hui et ceci est
important à prendre en compte lorsque l’on aborde la pratique de l’encaustique
actuellement. Malgré tous les moyens modernes dont nous disposons aujourd’hui,
la formule de l’encaustique cire d’abeille-résine dammar-pigments est très
proche de celle utilisé par les peintres des portraits du Fayoum mais
elle s’est affinée au cours du temps en gagnant aujourd’hui une plus grande
précision dans la composition de la formule. Cette même formule utilisée par des artistes comme Victor Brauner après guerre ou Jasper Johns encore aujourd'hui. Chaque artiste débutant
l’encaustique reproduit ainsi dans son atelier les différentes approches
ancestrales tout en se nourrissant des multiples sources d’informations à sa disposition
grâce à Internet et aux quelques ouvrages présents sur le marché à l’heure
actuelle (voir références en fin d’article).
J’espère pouvoir contribuer
avec ce blog à une connaissance plus juste de l’encaustique car ce médium est encore largement méconnu. Je n’ai pas de
« how to » à donner, il s’agit juste de relater et de partager une
expérience personnelle qui, bien que débutante, me semble compléter ce que je
trouve ou ce que je lis à l’heure actuelle sur l’encaustique.
Cet article vient clore un
ensemble technique et historique concernant la peinture à l’encaustique et
développé sur ce blog depuis sa création en 2015. De nombreux points
méritent une étude plus approfondie mais je laisse cet ensemble en l’état (pour
l’instant…).
J’espère que tout ceci vous aura apporté des connaissances
complémentaires à votre pratique de l’encaustique sans oublier de passer à
l’essentiel : peindre !
N’hésitez pas à me contacter
pour me faire part de vos expériences.
Portez vous bien, protégez vous,
Références utilisées pour la rédaction de cet article
Comte de CAYLUS : Mémoire sur la peinture à l’encaustique et sur la peinture à la cire, Paris, 1755
CROS Henry, HENRY Charles : L’encaustique et les autres procédés de peinture chez les anciens, histoire et technique, Paris, 1884
CROS Henry, HENRY Charles : L’encaustique et les autres procédés de peinture chez les anciens, histoire et technique, Paris, 1884
MATTERA Joanne: The Art of Encaustic Painting : Contemporary Expression in the Ancient Medium of Pigmented Wax, Watson-Guptill Ed., New-York, 2001.
PAILLOT de MONTABERT : De la peinture encaustique dans Traité complet de la peinture, Paris, 1829-1851
PAILLOT de MONTABERT : De la peinture encaustique dans Traité complet de la peinture, Paris, 1829-1851
VAN MOFFAERT Sophie : Peindre à l’encaustique, Editions
Eyrolles, 2016